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Histoires Bibliques
3/ La royauté de David

Décembre 2016

 

 

Le Roi David, plus que tout autre monarque, représente le prototype

de la royauté en Israël, le référent par excellence. Il est le Roi qui,

au-delà de sa propre histoire est perçu comme la source de toute

royauté légitime et cela, jusqu’à la personne même de Machia’h,

du Messie, qui doit, nécessairement, être de la descendance de David.

 

Pour essayer de mieux comprendre la personnalité de ce roi « étalon »,

nous nous proposons d’examiner les étapes essentielles de sa vie et d’en

déduire les caractéristiques de sa personnalité.

 

I – LE CHOIX DE DAVID PAR D-IEU

 

Comme pour Shaoul, bien avant la reconnaissance du peuple, c’est le choix de David par D-ieu qui fait sortir le futur roi de l’anonymat et qui nous fait vivre, dans le texte, sa sélection et sa formation.

 

À la demande de D-ieu, Samuel se rend à Bethléem pour faire une offrande à l’Éternel et y consacrer David dans la plus grande discrétion, car la scène se situe dans la deuxième année du Roi Shaoul et qu’il doit encore régner 18 ans avant de mourir et que David puisse enfin, accéder au trône.

 

Jessé et ses fils sont invités à assister au sacrifice en l’honneur de D-ieu :

« À leur arrivée, il remarqua Eliav et se dit : L’élu de l’Éternel est certainement là, devant lui. Mais D-ieu dit à Samuel : « Ne considère pas sa mine, ni sa haute taille, celui-là, je le repousse. Ce que voit l’homme ne compte pas : l’homme ne voit que l’extérieur, D-ieu regarde le cœur. Alors Jessé appela Abinadav et le fit passer devant Samuel et Samuel lui dit : « Celui-ci non plus, D-ieu ne l’a pas choisi.

Et Jessé fit avancer Chamma, mais il dit : « Celui-ci non plus, D-ieu ne l’a pas choisi. » Jessé présenta, ainsi, ses sept fils devant Samuel, et Samuel lui dit : « Ce ne sont pas ceux-là que D-ieu a choisis. » Mais, demanda Samuel à Jessé : « Sont-ce là tous tes garçons ?

Il reste encore le plus jeune, répondit-il, il et au pâturage avec les brebis. » « Envoie le chercher », dit Samuel à Jessé, « Car nous ne nous mettrons pas à table qu’il ne soit ici. » On le fit donc venir. Or, il avait le teint vermeil, avec cela de beaux yeux et bonne mine …

Et D-ieu dit à Samuel : « Va, oins-le, c’est lui ! » Et Samuel prit le cornet d’huile et il l’oignit au milieu de ses frères, et depuis ce jour-là, l’esprit divin ne cessa d’animer David. Alors, Samuel s’en alla et retourna à Rama. » (I Samuel XIV, 6 à 13).

 

Le premier élément qui découle de ce texte, c’est la différence de critère entre le choix de Shaoul et le choix de David.

Samuel se laisse prendre en voyant Eliav grand et fort, il croit que c’est lui, le futur roi. Garder Shaoul avait aussi des qualités morales,

ce qui marque en premier, c’est comme le dit le texte, qu’il dépassait tout le monde de la tête et des épaules.

 

David, lui, est le plus jeune de la famille, il n’a alors, que 17 ans et il est de constitution différente, n’est pas grand et fort et pourtant,

D-ieu l’a choisi pour être, non seulement, le futur roi, mais encore, pour devenir le premier roi de la dynastie qui portera son nom.

 

De plus, David est de la tribu de Yehouda qui, depuis Jacob, est prédestinée à la royauté. Shaoul, lui, était de la tribu de Binyamin et apparaît comme un roi de transition.

Il correspondait à la réponse de D-ieu aux hommes, non pas directement, au choix de D-ieu.

 

Dès ce premier texte, on nous présente les premières caractéristiques de David sous l’aspect de deux qualités opposées :

1- D’un côté, il est Admoni, c’est-à-dire, roux, comme Essav et c’est ce qui fait reculer Samuel. C’est le signe d’un possible instinct

     belliqueux.

2 - D’un autre côté, il est Yaffé Enaïm, il a de beaux yeux, ce qui représente la douceur, le fait d’être agréable à regarder.

      Il saura utiliser la première caractéristique contre ses ennemis et la seconde, vis-à-vis de son peuple.

 

II – DAVID, MUSICIEN DE SHAOUL

 

Cette onction de David par Samuel ne va rien changer à sa vie, dans un premier temps. Il continue son travail de berger.

Cela, jusqu’à ce que le Roi Shaoul en proie à des maux de tête, ait besoin d’un musicien qui puisse adoucir ses souffrances :

 

Shaoul dit à ses serviteurs : « Découvrez-moi donc, un habile joueur d’instrument et amenez-le moi. » L’un des serviteurs prit la parole et dit : « J’ai remarqué un fils de Jessé, le Bethléémit, musicien habile, guerrier vaillant, entendu en toute chose, d’une belle apparence et

D-ieu est avec lui. » (I Samuel XVI, 17-18).

 

Le serviteur a bien compris qu’il ne s’agit pas simplement de trouver un habile musicien, mais également, de valeur, car il devra non seulement, être au service du roi, mais également, garder le secret, à propos de la maladie du roi. Ceci nous donne l’occasion de découvrir de nouvelles qualités au futur roi David :

1 - Il connaît parfaitement la musique, il n’est donc pas qu’un simple guerrier fruste ; il est également capable d’un certain sens artistique

     et une certaine sensibilité.

2 - Mais, en même temps, il n’est pas qu’un simple berger, fort en imagination, mais faible en force et en courage. Il sait allier les deux :

     le courage et l’esprit.

3 - « Un homme de guerre ». Cependant, le courage ne suffit pas ; encore faut-il savoir faire la guerre pour ne pas prendre de risques

     inutiles et inconsidérés.

4 - « Entendu en toutes choses ». C’est, ici, son intelligence et son esprit d’analyse qui sont mis en avant pour exprimer sa capacité à gérer

     des problèmes ou des situations difficiles.

5 - « D’une belle apparence ». Son physique est agréable à regarder.

6 - « D-ieu est avec lui », ce qui laisse entendre que lui-même était avec D-ieu.

 

On a, ainsi, réuni chez un berger, les qualités nécessaires à un roi qui pourra, non seulement, défendre son peuple, l’organiser et l’élever spirituellement. Ce sont en fait, ces caractéristiques qui vont se révéler et s’exprimer dans l’épisode de la lutte avec Goliath.

Non seulement, il est courageux et sensé ; il refuse l’armure de Shaoul dont il n’a pas l’habitude et qui pourrait le gêner et il choisit des pierres plates pour sa fronde qu’il est habile à manier, mais en plus, il proclame clairement, que sa victoire ne dépendra, ni de sa force,

ni de sa ruse, ni de son intelligence, mais uniquement de D-ieu :

 

« David répondit au Philistin (qui l’insultait et le ridiculisait) : Tu viens à moi avec l’épée, la lance, et le javelot : et moi, je viens au nom de l’Éternel-Tsébaot, du D-ieu des légions d’Israël que tu insultes. En ce jour, l’Éternel te mettra en mon pouvoir ; je t’abattrai et je te couperai la tête et je livrerai les cadavres de l’armée des Philistins, aujourd’hui même, aux oiseaux du ciel et aux animaux des champs, afin que toute la terre sache qu’il y a un D-ieu pour Israël. Et toute cette multitude saura que l’Éternel n’a pas besoin d’épée, ni de lance pour donner la victoire, car l’Éternel est le Maître de la guerre et il vous livrera en notre pouvoir. » (I Samuel XVII, 45-47).

 

III – LA ROUTE VERS LA ROYAUTÉ

 

Même si la victoire contre Goliath fait sortir David de l’ombre, la route vers la royauté est encore longue et parsemée d’embûches et cela, pour différentes raisons :

  • Tout d’abord, David n’a que 17 ans ; il n’est qu’un adolescent et il ne peut monter sur le trône aussitôt.

  • Ensuite, la place n’est pas encore libre. Shaoul règne encore et le peuple lui fait encore confiance.

  • Devant la notoriété acquise par David après la victoire sur Goliath, Shaoul va le placer à la tête de ses troupes pour l’éloigner du trône, car il le jalouse et, à plusieurs reprises, il a pu constater que D-ieu est avec David, alors qu’il l’a abandonné.

  • Cela ne faisant que grandir David aux yeux du peuple, car D-ieu fait réussir ses entreprises, Shaoul va décider d’éliminer David parce qu’il en a peur.

  • À partir de ce moment, David devient un fuyard devant Shaoul, car il ne veut pas tuer le roi. À plusieurs reprises, d’ailleurs, David fait comprendre à Shaoul qu’il était en mesure de le tuer, mais qu’il ne l’a pas fait, car il est le roi qui a reçu l’onction divine.

  • Après la mort au combat de Shaoul et de son fils Jonathan, Avner, le chef de l’armée fait sacrer Roi Ishboshet, fils de Shaoul. Il règnera deux ans.

  • Par contre, la tribu de Juda choisit David pour régner sur elle. Cela entraîna une guerre entre les deux maisons.

 

Après la mort d’Ishboshet, tué par des vagabonds, David devient Roi d’Israël à la demande des tribus.

« Toutes les tribus d’Israël vinrent auprès de David à Hébron et lui dirent : « Nous sommes ta chair et ton sang. Déjà hier, déjà avant-hier, alors que Shaul était notre roi, c’est toi qui dirigeais toutes les expéditions d’Israël. C’est toi, avait dit l’Éternel, qui gouvernera Israël, mon peuple. Toi qui sera son chef … » Tous les anciens d’Israël vinrent donc trouver le roi, à Hébron ; le roi David fit un pacte avec eux à Hébron, devant l’Éternel, et ils le sacrèrent comme Roi d’Israël. David avait 30 ans lorsqu’il devint roi ; son règne fut de quarante ans.

Il régna dans Hébron, sur Juda, sept ans et six mois et dans Jérusalem, il règna trente-trois ans sur tout Israël et Juda. » (II Samuel V,1 à 5).

 

La royauté arrive ainsi, comme une conclusion logique à sa vie et à son engagement au service du peuple juif, tout en restant fidèle à D-ieu et au choix qu’il avait pu faire précédemment. Il ne prend pas le pouvoir de force, mais attend que la volonté du peuple s’exprime. Il doit, notamment, attendre sept ans entre la mort d’Ishboshet et sa montée sur le trône.

 

Par la suite, toujours dans un souci d’unification du peuple, il changera de capitale en décidant de conquérir une ville qui n’appartient encore à aucune famille, mais qui se trouve à la limite entre le territoire de la tribu de Juda (la sienne) et la tribu de Benjamin (celle de Shaoul) ; il s’agit de la Ville de Jérusalem.

 

IV – L’UNIFICATION SPIRITUELLE DU PEUPLE

 

Jusqu’à présent, la capitale politique était séparée de la capitale religieuse.

À l’époque de Josué, le sanctuaire est à Shilo, alors que le pouvoir politique évolue, surtout pendant la période des Juges, d’une tribu à l’autre. À l’époque de Samuel, les sacrifices se font dans différents endroits.

 

David, lui, va rétablir l’unité entre la religion et l’État en installant l’Arche Sainte dans la capitale politique du pays qui est Jérusalem.

Pour autant, les deux ne seront pas confondus, mais bien complémentaires.

 

Là aussi, David montre toute sa foi et sa modestie par rapport à l’Arche et à D-ieu comme nous le présente le texte :

« David dansait de toutes ses forces devant le Seigneur ; il était vêtu d’un éphod de lin. Et David et toute la maison d’Israël escortaient l’Arche du Seigneur avec des cris de joies et au son du cor. Comme l’Arche du Seigneur entrait dans la Cité de David, Mi’hal, fille de Shaoul (et épouse de David), regarda par la fenêtre et vit le Roi David sautant et dansant devant le Seigneur et elle en conçu du dédain pour lui. Or, on introduisit l’Arche du Seigneur et on l’installa à sa place, dans le pavillon que David avait dressé pour elle, et David offrit, devant l’Éternel, des holocaustes et des sacrifices rémunératoires. Lorsque David eût achevé d’offrir ces sacrifices, il bénit le peuple au nom de l’Éternel-Tsebaot. Et il fit distribuer à tout le peuple, à toute la multitude d’Israël, hommes et femmes, à chacun, un gâteau de pain, une pièce de viande et une mesure de vin, et tout le peuple se retira, chacun chez soi.

David rentra pour bénir sa famille, Mi’hal, fille de Shaoul, vint à sa rencontre et dit « Combien s’est honoré aujourd’hui, le roi d’Israël,

se donnant en spectacle aux servantes de ses serviteurs, comme eût pu le faire, un homme de rien. » David répondit à Mi’hal :

« C’est devant l’Éternel qui m’a élu de préférence à ton père et à tous les siens en m’instituant prince du peuple de D-ieu, prince d’Israël, c’est devant l’Éternel que j’ai dansé et danserai encore. Et volontiers, je m’humilierai davantage et me ferai petit à mes propres yeux ;

pour ces servantes dont tu parles, c’est auprès d’elles que je me glorifierai ! ». Mi’hal, fille de Shaoul, n’eût pas d’enfants jusqu’au jour de sa mort. » (II Samuel VI, 14 à 23).

 

Le Malbim explique la grandeur de David qui, à trois niveaux, a préféré négliger son propre honneur face à l’honneur de D-ieu :

  • Par son corps, car : « Il dansait de toutes ses forces devant D-ieu ».

  • Par son habit, car : « Il était vêtu d’un éphod de lin », d’une simple tunique comme ceux qui servent D-ieu et non avec son costume royal pour ne pas se montrer orgueilleux devant D-ieu.

  • Par son comportement : « Et David et toute la maison d’Israël », il s’est associé au peuple pour glorifier D-ieu, il ne s’en est pas séparé ou mis au-dessus.

 

Ce sont ces trois éléments qui déplurent à Mi’hal, car à la cour de son père, on ne se serait pas permis de telles choses. Leur honneur était plus important pour eux que l’honneur de l’Arche d’Alliance.

 

Face à l’accusation de sa femme, David insiste sur l’origine de sa royauté, car même si elle a été plébiscitée par le peuple, en fait, elle vient du choix de D-ieu. De ce fait, son honneur ne dépend pas du respect du peuple ou de l’image qu’il a auprès du peuple ; on dirait, aujourd’hui, dans les sondages, mais bien de la volonté et du choix de D-ieu. De ce fait, il n’est pas concevable pour lui, que le serviteur (David) se glorifie devant le roi (D-ieu).

La stérilité de Mi’hal vient pour interrompre la lignée de Shaoul, car elle ne s’était pas montrée digne de la royauté en ne comprenant pas que l’honneur du Créateur passe avant tout.

 

V – LA POLITIQUE DE DAVID

 

Les guerres entreprises par David ont deux objectifs :

1 - La fin de la conquête.

2 - L’instauration d’une paix fiable.

 

En effet, comme on l’a vu à propos de la période des Juges, la conquête de la terre de Canaan s’était interrompue avant la fin.

David va avoir à cœur d’éliminer toutes les places fortes cananéennes qui ont subsisté jusqu’à présent et qui ont été à la source des incidents de la période des Juges. Les Cananéens ne seront pas exterminés, mais s’intègreront progressivement dans la population locale.

 

L’instauration d’une paix durable passe par le renversement des forces avec les Philistins. Israël, au lieu d’être sous l’emprise du pouvoir philistin, va le neutraliser.

Ainsi, la politique extérieure de David va faire de son pays, le Grand Israël, allant jusqu’à l’Euphrate à l’Est, la Mer Rouge au Sud-Est, jusqu’à l’Egypte au Sud-Ouest et jusqu’à la Babylonie au Nord.

 

VI – L’ORGANISATION INTÉRIEURE DE L’EMPIRE

 

Rompant avec la période des Juges, il organise un état centralisé à Jérusalem :

  • Le roi est à la fois, Juge suprême.

  • Il est assisté par des conseillers.

  • Il a une garde spéciale.

  • Il a des ministres qui ont en charge : 

    • 1- Le secrétariat.

    • 2 - La chancellerie.

    • 3 - L’armée.

  • À la cour, sont présents les deux grands Prêtres : Ebyatar descendant d’Itamar (puis son fils Ahimélek) et Zadok descendant d’Eléazar).

  • Les prophètes font également partie de la cour et ont un droit de remontrance vis-à-vis du roi et de ses ministres. C’est le cas, notamment, pour Nathan qui reprochera au roi son attitude, vis-à-vis du mari de Bathshéva.

  • Des fonctionnaires spécialisés s’occupent des différents secteurs de la vie nationale :

    • Agriculture.

    • Élevage.

    • Approvisionnement et dépôts.

 

Avec David, c’est la vie religieuse, politique et économique du pays qui se construit et s’organise.

 

Pour conclure cette brève étude de la royauté de David, je voudrai reprendre les paroles d’André Neher dans son « Histoire Biblique du peuple d’Israël » (page 323) :

« L’obéissance constante de David à la Loi de D-ieu, le fait qu’il ait compris, à l’avènement même de la fonction royale en Israël, que celle-ci avait un autre sens que chez tous les peuples de l’Antiquité, que le roi d’Israël n’était pas un roi comme les autres, tout cela a provoqué une transfiguration de la personnalité royale de David.

De son vivant, déjà et, plus encore après sa mort, lorsque ses successeurs furent infidèles à la vocation Divine de la royauté, David a été considéré comme le roi, par excellence, le Machia’h, l’oint, le Messie, le détenteur du pouvoir temporel qui sait illuminer sa puissance par la force de l’Esprit.

La naissance du messianisme est un des phénomènes les plus importants de l’époque de David et il synthétise admirablement l’ensemble, si riche, des thèmes que le règne de David a fait surgir dans la spiritualité biblique. »

 

 

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