La prière
1/ Prier avec attention
Mars 2018
Prier avec attention, cela semble aller de soi, être une évidence.
Or, chacun sait dans son quotidien, qu’il n’est pas si simple de se concentrer à
chaque fois, de savoir pleinement ce que l’on dit et ce que l’on pense au moment
précis de la prière. Notre esprit est sans arrêt distrait par des pensées étrangères à
ce que l’on dit, notre regard est attiré par ce qui se passe autour de nous.
Parfois, on prie sans même comprendre les mots que l’on prononce, parfois, on les
dit sans y penser, sans avoir vraiment conscience de ce que l’on exprime.
C’est là, le plus souvent, l’effet de l’habitude qui rend les choses machinales.
Mais cela peut aussi être l’effet de notre méconnaissance de la langue hébraïque
dans laquelle sont rédigées nos prières, des messages inscrits dans les mots
prononcés, des procédures de « fonctionnement » de la prière, elle-même,
de notre manque de préparation ou de notre manque de concentration.
Bien sûr, c’est déjà important de continuer à prier, malgré ces obstacles.
Cependant, ce n’est pas là, une fin en soi. Tout ceci peut être amélioré.
En s’en donnant les moyens, en nourrissant sa concentration, on peut arriver à prier
avec attention, le plus souvent possible.
C’est l’objectif des Sages du Talmud Berakhot 30a, lorsqu’ils nous recommandent : « On ne se lève pour prier que pénétré de gravité ».
Le Choul’han Aroukh précise : « On ne se lève pour réciter la Amida qu’avec un sentiment de crainte et d’humilité et non pas de manière désinvolte » (Ora’h ’Haïm 93,2). Cette posture, c’est ce que nous appelons, ici, « avec attention ». L’objet de cette étude est d’accompagner le lecteur pour une meilleure connaissance de la prière, de son organisation, de ses parties, de ses mots et de ses intentions, afin de l’aider à fixer son attention sur cette posture faite de crainte révérentielle et d’humilité qui nous permet de prendre pleinement conscience de ce que l’on fait.
Pour prier avec attention, il faut avant tout comprendre le sens général de la prière. Que signifie « prier » dans la tradition juive ?
Comment la prière peut-elle être efficace ? Pourquoi D-ieu attend-il la prière de l’homme ? Pourquoi y-a-t-il différentes sortes de prières,
de louanges, de remerciements et de demandes ?
Prier avec attention, c’est savoir ce que l’on fait au moment où cela est fait. C’est avoir une intention et agir en conséquence.
C’est avoir une orientation d’esprit avec un objectif.
Prier avec attention, c’est savoir à minima ce que l’on dit. Pour s’y aider, il y a des livres de prières traduits, même mot à mot.
Mais, au-delà de la traduction qui n’est pas toujours suffisante, il y a l’accès au sens profond et symbolique.
Ce sens qui permet de penser, de réfléchir à l’acte engagé, d’évoquer des concepts qui nous relient à notre Créateur et qui nous permettent d’être pleinement humain. C’est ce que nous tenterons de vous présenter dans la suite de cette étude.
Prier avec attention, c’est être en mesure de se concentrer au moins sur une partie du texte qu’on est en train de lire.
Bien sûr, l’idéal c’est de se concentrer sur l’ensemble. Mais ne soyons pas présomptueux en croyant que c’est toujours accessible à qui le veut. Sachons quel est le minimum requis et ajoutons régulièrement un peu plus, pour que progressivement, cela fasse beaucoup plus.
Pour nous y aider, il faut repérer des mots clés, chargés de sens, qui inviteront notre esprit à la réflexion, lorsque nous les lirons.
Prier avec attention, c’est savoir que les gestes de la prière ne sont pas des fantaisies, mais des accompagnateurs de concentration qui sont par eux-mêmes signifiants.
Prier avec attention, c’est essentiellement savoir à qui on s’adresse et devant qui on se tient. Cette intériorisation d’être face au Créateur du Monde est tellement complexe qu’elle découle, en réalité, des autres paramètres que l’on vient d’énoncer.
Même si elle est souvent présentée comme un pré-requis, c’est en fait, un objectif à atteindre, une conséquence de ce qui précède.
Ces paramètres ne sont ici, qu’énoncés, ils seront repris et mis en perspective au cours de notre étude des principaux textes du Siddour,
du Livre de Prières.
Chaque partie d’un office : les Bénédictions du matin, les « Pessouké dézimra », la Lecture du « Chema » avec ses bénédictions, la « Amida », les supplications et la conclusion « d’Alénou » seront analysés dans leur spécificité et dans leur fonction à l’intérieur de l’office.
La « prière », par excellence, dans la littérature rabbinique, c’est la « Amida », la prière récitée debout, dite des « 18 bénédictions »,
même si tardivement, on lui a ajouté une 19ème bénédiction.
Par commodité, nous utiliserons de manière courante, le terme de « prière », même si nous le verrons, il ne correspond pas, le plus souvent, à la terminologie hébraïque de « Téfila ». Mais, ce terme lui-même, ne rend que de manière impropre, la notion de bénédiction ou de louange. Pour chacune des parties d’un office religieux, nous expliciterons, la terminologie adaptée et sa signification.
La « Amida » étant le sommet de l’office, c’est par elle que nous commencerons notre exploration.
