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Histoires Bibliques
6/ Le Prophète Jérémie

Novembre 2017

 

 

Le Prophète Jérémie est le contemporain d’Ezéchiel, mais contrairement

à ce dernier, il vit et prophétise en Israël et, plus précisément, à Jérusalem.

Historiquement,il est contemporain de la destruction du premier Temple par

Nabuchodonosor en – 586.

Il vit pendant les règnes de Josias, Yoahaz, Yoyakim et enfin, Sédécias.

 

Jérémie passe par deux périodes du point de vue de sa prophétie :

* La première : religieuse. Il intervient au sujet de la pratique de ses contemporains

en les appelants à un peu plus de sincérité, loin de l’hypocrisie et de l’idolâtrie.

* La deuxième : politique. Il prêche la reddition à Nabuchodonosor pour sauver

   le peuple et Jérusalem.

 

Malheureusement, sur ces deux plans, il n’est pas écouté, ni suivi et Jérusalem

tombesous les attaques de Nabuchodonosor. Le Temple est détruit et la population

est déportée à Babylone.

Une partie du peuple reste sur place sous l’autorité de Guedalyah.

Mais après l’assassinat de ce dernier, la population, par peur de babyloniens

s’enfuit vers l’Egypte, entraînant de force Jérémie qui préconisait de rester

sur place. Le Prophète meurt en Egypte, loin de sa terre et de son peuple pour qui

il va combattre toute sa vie.

 

Avant de commencer plus précisément l’étude du texte que nous avons choisie,

il nous faut compléter la présentation de Jérémie à partir du premier Chapitre du Livre :

 

La parole de l’Éternel me fut adressée en ces termes :

« Avant que je t’eusse formé dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu fusses

sorti de ses entrailles, je t’avais consacré, je t’avais désigné comme prophète des nations. »

Et je m’écriai : « Eh quoi ! Éternel, D-ieu, je ne sais pas parler, car je suis un enfant ! »

Et l’Éternel me répondit : Ne dis pas : Je suis un enfant.

Mais partout où je t’enverrai, tu iras les trouver, et tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras.

Ne les crains point, car je serai avec toi pour te protéger, dit l’Éternel.

Alors, l’Éternel étendit la main et en effleura ma bouche ; puis l’Éternel me dit : « Voici, je mets mes paroles dans ta bouche.

Vois que je te donne mission en ce jour auprès des peuples et des royaumes pour arracher et démolir, pour détruire et pour renverser,

pour bâtir et pour planter. » (4 à 10).

 

Tout d’abord, la prophétie de Jérémie arrive pour lui, de façon subite, mais pour D-ieu, de façon préméditée.

Jérémie commencera, d’ailleurs, par une phase d’apprentissage où D-ieu lui apprendra à déchiffrer des visions symboliques :

* D’emblée, la prophétie de Jérémie s’annonce difficile. Il aura, tout au long de sa vie, plus d’ennemis que d’amis.

* Car de fait, sa mission est porteuse de destruction, même s’il doit tenter de construire, de sauver, de persuader le peuple de revenir

    à son D-ieu, de persuader les dirigeants de faire les bons choix politiques.

 

À plusieurs reprises, il est jeté en prison par le pouvoir en place ou par le Grand Prêtre qui ne peuvent accepter ses annonces de catastrophe. Il est même condamné à mort. C’est donc une vie difficile qui s’amorce, ici, pour lui.

 

Le passage que j’ai choisi est un dialogue entre D-ieu et son Prophète sur le sort du peuple juif. D-ieu joue le rôle de l’accusateur et Jérémie, comme précédemment, Moïse, prend la défense du peuple et argumente.

Ce passage montre toute la difficulté de la situation de Jérémie qui doit lutter à la fois, contre son peuple pour le ramener sur le droit chemin et contre D-ieu pour implorer sa clémence. Ceci, dans des accents particulièrement lyriques.

 

L’Éternel me dit encore : « Ne prie pas pour ce peuple, pour son bonheur.

S’il jeûne, je resterai sourd à ses supplications ; s’il m’offre des holocaustes et des oblations, je ne leur ferai pas bon accueil.

Bien plus, par le glaive, par la famine et la peste, je vais le faire périr. » (Jérémie XIV, 11-12).

 

Ainsi, la détermination de D-ieu semble scellée. C’est une situation type où D-ieu refuse de se laisser fléchir et d’entendre les supplications des hommes.

« D-ieu cache sa face » et alors, la sanction vient d’elle-même.

Mais, en fait, D-ieu répond. Ce n’est même pas un cas de « Ester Panim » (de face caché), où la punition vient seule.

C’est D-ieu, lui-même, qui exercera la justice par le glaive, la famine et la peste.

D’où la supplique ultime de Jérémie :

 

As-tu donc complètement repoussé Juda ? Ton âme a-t-elle prit Sion en dégoût ? Pourquoi, nous infliges-tu des blessures auxquelles

il n’est point de remède ? On espérait la paix et rien d’heureux ne nous arrive, une ère de réparation et voici l’épouvante !

Nous reconnaissons, Ô Seigneur, notre culpabilité, la faute de nos ancêtres ; assurément nous avons péché contre toi.

Pour l’honneur de ton nom, ne livre pas au mépris, n’avilis point ton trône glorieux ; souviens-toi, ne romps pas ton alliance avec nous.

En est-il parmi les vaines divinités des nations qui répandent la pluie ? Ou bien, est-ce le ciel qui dispense les ondées ?

N’est-ce point toi, Ô Éternel, notre D-ieu, toi en qui nous mettons notre espoir ? Oui toi, tu accomplis tous ces prodiges (Ibid., 19-22).

 

Devant la position extrême prise par D-ieu qui ne désire pas être influencé, en écoutant la prière de Jérémie, pour tenter de trouver

une issue au conflit,

le prophète s’interroge sur le caractère inéluctable de cette sanction de D-ieu envers son peuple.

 

Or, habituellement, le signe de la Téchouva possible réside dans le fait que D-ieu prévoit le remède avant d’envoyer la maladie.

C’est-à-dire, prépare l’issue positive du conflit avant même de l’engager. En effet, le conflit, qui apparaît comme une sanction,

une conséquence négative de leur mauvais comportement, n’a pas d’autre objectif que de ramener le peuple vers son D-ieu, de les engager dans un processus de Téchouva.

Si le remède n’est pas prêt ou n’existe pas, cela signifierait qu’il y a bien rupture et non pas punition éducative.

 

Ensuite, l’argumentation est renforcée par sa justification translative : « Si tu ne le fais pas pour nous, fais-le pour toi » :

 

* Vis-à-vis de « Ton nom ».

* Vis-à-vis de « Ton trône glorieux » (Ton âme a-t-elle prit Sion en dégoût ?).

* Vis-à-vis de « L’alliance avec nous » (As-tu complètement repoussé Yehouda ?).

 

 

Si la Téchouva n’est pas, en tant que telle, susceptible d’être entendue par D-ieu, alors les liens entre Israël et D-ieu sont des arguments :

 

* Le nom de D-ieu est attaché à Israël.

* Le trône de D-ieu est attaché au Temple de Jérusalem.

* D-ieu est engagé dans une alliance avec Israël.

 

Dernier argument : celui de la reconnaissance.

Seul, Israël sait et reconnaît que la pluie, donc la vie, vient de D-ieu. Si Israël disparaît, plus personne ne reconnaîtra D-ieu,

car les autres nations sont idolâtres.

 

Ce faisant, comme le fait remarquer Abrabanel, le prophète ne transgresse pas l’interdiction de D-ieu de prier pour ce peuple et d’implorer le pardon. Il argumente en se plaçant du côté de D-ieu et des enjeux que cela représente pour Lui.

 

Malgré ce plaidoyer, D-ieu semble rester sur sa position au début du Chapitre 15 :

 

L’Éternel me dit : « Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, mon âme ne se tournerait pas vers ce peuple, renvoie-le hors de ma présence, qu’il s’en aille !

Que s’ils te demandent : « Où irons-nous ? », tu leur répondras : « Ainsi parle l’Éternel :

- À la mort ceux qui sont destinés à la mort ; au glaive ceux qui appartiennent au glaive ; à la famine ceux qu’attend la famine ; à la captivité ceux qui sont réservés à la captivité !

Je ferai appel contre eux à quatre genres de fléaux, dit l’Éternel, au glaive pour mettre à mort, aux chiens pour déchirer en lambeaux, aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre pour dévorer et détruire.

Et je ferai d’eux, un objet d’épouvante pour tous les peuples de la terre, à cause de Menassé, fils d’Ezéchias, Roi de Juda, et sa façon d’agir à Jérusalem (Jérémie XV, 1-4).

 

D-ieu exprime, ici, le caractère irréversible de la décision. Il aurait pu revenir sur son décret si le peuple avait fait Téchouva, mais puisqu’il ne revient pas, on a franchi là, un point de non-retour, un point de rupture où la Téchouva, seule, ne peut pas réparer le dommage commis ; il faut prendre acte de la brisure et refondre l’objet pour repartir de zéro. Malgré la grande flexibilité mise en place par D-ieu dans le monde, il y a des ruptures, lorsque l’on va au-delà des limites.

 

Cependant, cela ne signifie pas que la position sera la même pour tous. Chacun ira selon son jugement ; pour certains, ce sera selon les lois de la nature ; pour d’autres, ce sera par une intervention humaine.

Là encore, les fléaux sont spécifiques :

 

* Le chien traîne dehors pour déchirer.

* L’oiseau mange les cadavres.

* Les animaux détruisent (sans manger de viande).

 

La cause de tout ceci n’est pas récente, puisqu’il faut remonter au Roi Menassé qui régna en – 698, alors que l’on est, ici, au règne de Joachim en – 610.

Le règne de Menassé est resté célèbre pour son idolâtrie. Se détournant des voies tracées par Ezéchias, son père, il releva les autels de Baal détruits par son père et rétablit l’idolâtrie. Il fit même passer par le feu, son propre fils, en l’honneur de Moloch. Malgré sa Téchouva à la fin de sa vie, il ne put ramener le peuple de l’idolâtrie dans laquelle il l’avait plongé.

 

Menassé fait partie des trois rois qui n’auront pas part au monde futur d’après la Guémara Sanhédrin 90a (avec Jeroboam et Achav).

 

Face à cette détermination, la catastrophe qui s’annonce, la complainte de Jérémie se prolonge :

 

Malheur à moi, ô ma mère ! Pourquoi m’as-tu donné le jour, à moi, homme de combat, en lutte avec tout le pays ?

Je ne suis pas créancier, je ne suis pas débiteur, et tous me maudissent (Ibid.10).

 

C’est la plainte du prophète qui a compris que sa prière n’aboutirait pas et que la catastrophe est inéluctable. Par là-même, il exprime sa solitude et sa souffrance face au reste du peuple, car un prophète de malheur est toujours seul et ne peut connaître le bonheur.

Cela se concrétise, notamment, au chapitre suivant où D-ieu impose à son prophète, le célibat.

 

Le prophète, non seulement, annonce la catastrophe, mais en plus, met le peuple face à ses responsabilités et, notamment, face au mauvais usage qu’il a fait de son libre arbitre.

 

Cependant, malgré son désespoir, malgré son drame personnel, Jérémie annonce le retour, la paix, la reconstruction, mais il ne les vivra pas, ce ne sont pour lui que des rêves (31).

 

Car, c’est du cœur même de la destruction que renaît toujours l’espoir :

 

Et maintenant, malgré tout, ainsi parle le Seigneur, D-ieu d’Israël, au sujet de cette ville dont vous dites qu’elle est à la merci du Roi de Babylone, épuisée qu’elle est par le glaive, la famine et la peste.

Moi, je vais les rassembler de toutes les contrées où je les aurais reléguées dans ma colère, dans mon indignation et ma fureur extrême, les réinstaller dans ces lieux-ci et leur assurer un séjour paisible.

Ils seront mon peuple et je serai leur D-ieu.

Je leur donnerai un seul et même cœur et une même direction, afin qu’ils me craignent leur vie durant, pour leur propre bien et le bien de leurs enfants après eux.

Et je conclurai avec eux, un pacte durable, leur promettant de ne pas les abandonner et de les combler de bienfaits ; je disposerai leur cœur à me vénérer et à ne pas s’écarter de moi.

Je prendrai plaisir à les rendre heureux et je les implanterai solidement dans ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme (Jérémie XXXII, 36-41).

 

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