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L'éducation : l'enjeu de notre génération

Juin- Juillet 2012 - Communauté Nouvelle N° 180

 

 

 

Au-delà de la douleur et du drame humain,

Au-delà des questions politiques et sécuritaires,

Au-delà des questions psychologiques,

 

Des événements comme ceux de Toulouse et Villeurbanne posent des questions d’éducation qui nous concernent tous.

Comment des enfants éduqués dans la France actuelle, avec ses valeurs et sa culture humaniste, peuvent devenir des agresseurs ou des terroristes portés par une idéologie extrémiste ? Sans se livrer à une analyse sociologique ou psychanalytique, on peut mettre en avant, quelques principes d’éducation qui concernent directement notre génération.

 

Le premier de ces principes est un constat :

la connaissance ne rend pas forcément meilleur

 

La connaissance théorique, non intégrée, n’a pas forcément d’influence sur l’individu. Surtout, si c’est le résultat d’un savoir dit scolaire que l’on va s’empresser d’oublier. Ceci est valable pour toutes les sortes de savoirs, qu’ils soient scientifiques, littéraires, religieux, moraux. Les savoirs peuvent facilement rester extérieurs à l’individu qui ne nourrit pas sa personnalité de ces savoirs bien souvent théoriques, car savants.

Pour franchir le pas, le fossé qui existe entre la théorie et la pratique, c’est-à-dire, la transformation de l’être, il faut une volonté et une procédure de mise en œuvre. Bien sûr, tous les savoirs ne sont pas existentiels, mais ceux qui le sont, sont généralement traités sur le même mode. On doit savoir, on doit même argumenter ou démontrer, on doit savoir faire, mais pas suffisamment savoir être.

Or, ce savoir est très difficile à évaluer, donc difficile à mettre en action et pourtant, il est essentiel.

Pour cela, il faut y être invité et vivre des expériences de mise en œuvre de la démocratie, de la solidarité, de la générosité du respect mutuel.

Le vécu positif influence plus souvent l’individu que le su. Un comportement doit être expérimenté ; il ne peut pas simplement se théoriser.

 

Le deuxième principe :

l’esprit critique est indispensable à une éducation,

si l’on ne veut pas en faire un conditionnement

 

Celui-ci fait parfois peur, car on perçoit le maître comme le savant. Or, le savoir universel n’est plus possible aujourd’hui.

Le savant est celui qui sait où trouver les réponses à ses questions. Dès lors, l’esprit critique est indispensable pour distinguer le vrai du faux, le sérieux de la démagogie.

 

Pour l’étude de la Tora, les Pirkei Avot indiquent plusieurs conditions.

Deux d’entre elles sont « Émounat Ra’hamim » : la confiance que l’on doit avoir dans les Sages, et le « Pilpoul Talmidim » :

le questionnement des élèves.

Avoir confiance dans ses maîtres, les considérer comme des références crédibles est indispensable, si on veut apprendre d’eux.

Mais cela ne veut pas dire abdiquer notre capacité intellectuelle. Tout homme est capable de penser par lui-même. Il n’est pas souhaitable, même si on fait confiance, de penser par procuration. Pour cela, il faut faire preuve d’esprit critique.

C’est-à-dire, ne pas accepter un enseignement sans l’avoir évalué. En d’autres termes, solliciter le maître pour qu’il rende accessible sa pensée et qu’il nous introduise dans la sphère des connaissances. Cela permet de penser par soi-même, de se faire une opinion, de se protéger contre l’endoctrinement et les idéologies extrémistes qui tentent de nous faire admettre des idées en renonçant à notre liberté de pensée.

Durant la fête de Pessa’h, face au récit de la Sortie d’Egypte, les questions des enfants sont indispensables et doivent être encouragées, cela en prenant le risque de ne pas savoir répondre quand on est parent. Mais, il n’est pas interdit de chercher la réponse à plusieurs et d’en parler autour de soi. La question est génératrice de sens. Le refus des questions est un enfermement.

 

Le troisième principe :

l’affirmation de mon identité

ne doit pas m’entraîner à refuser celle de l’autre

 

Le danger de toute démarche identitaire, c’est de la construire par négation de celle de l’autre ou au moins, en concurrence avec celle de l’autre.

Or, mon identité ne vaut que parce qu’il y a diversité. Dans un monde de l’identique, l’identité individuelle n’a plus de sens.

On n’est plus que des clones les uns des autres. C’est la diversité qui fait la richesse. L’identité fondée sur la concurrence provoque la violence lorsqu’elle est poussée à l’extrême. L’affirmation de ses choix et de ses convictions ne veut pas dire qu’il faut les imposer par la force aux autres. Si on a le droit de chercher à convaincre que l’on a raison, il y a un pas entre convaincre et contraindre qu’il ne faut pas franchir. Tout le monde est confronté à ce défi. C’est par le renforcement du respect, de l’écoute de l’autre, de l’acceptation de la différence que l’on peut réussir à se contenir.

Certes, la différence est parfois perçue comme une agression, car elle remet en fait, nos convictions en question.

Mais au lieu de conserver notre quiétude à tout prix, cela devrait être l’occasion de réexaminer nos valeurs et nos choix.

 

 

Vouloir une société meilleure n’est pas suffisant. Il faut se donner les moyens de l’atteindre en essayant, chacun à son niveau, de tenir compte de ces trois principes fondamentaux pour toute éducation. Ce ne sont pas les seuls, mais ils me paraissent essentiels pour faire en sorte que demain soit meilleur qu’hier. Ce n’est pas là qu’une affaire communautaire, mais bien une question de société, voire même de civilisation.

 

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